Une autoroute pourquoi faire ?
Les objectifs officiels du projet autoroutier
Les objectifs ministériels pour le projet :
Cette liaison devra répondre aux deux objectifs suivants :
- accueillir une part significative des déplacements internes à la communauté d’agglomération rouennaise, notamment entre les plateaux situés au nord et à l’est de Rouen et les autres secteurs de l’agglomération ;
- délester le centre-ville de Rouen d’une partie du trafic qui le traverse afin de contribuer à l’amélioration du cadre de vie et permettre le développement des transports collectifs et des modes doux ;
(Décision ministérielle du 2 mars 2006 – Dominique Perben)
Le Commissariat Général à l’Investissement (CGI) indique les objectifs généraux :
Cette nouvelle infrastructure, associée à des mesures d’interdiction de circulation, doit permettre de détourner du cœur d’agglomération une grande partie des trafics de transit, notamment de poids lourds, et ainsi de décongestionner les voies pénétrantes et d’améliorer les liaisons entre l’agglomération rouennaise et l’Eure.
En outre, selon le CEREMA et le MO, un autre objectif est de désenclaver l’Andelle.
Dans son scénario central, le dossier d’enquête publique prévoit que l’infrastructure supportera à sa mise en service des trafics de l’ordre de 20 000 à 30 000 véhicules/jour selon les sections.
Détourner le trafic ou l’attirer ?
« Améliorer la desserte du port de Rouen, c’est aussi peut être attirer du trafic qui aujourd’hui ne vient pas. » (Vincent Breteau, Directeur Général adjoint de la Région Normandie, en charge de la Direction générale adjointe Transports et Aménagement du territoire. Réunion liaison A28-A13, le 19 mars 2018)
Les objectifs de trafic du maître d’ouvrage
L’objectif du maître d’ouvrage est un trafic moyen journalier annuel (TMJA) de 29900 véhicules (à Gouy) dont 6700 poids-lourds. Le maître d’ouvrage estime le trafic de poids-lourds en transit (qui ne font que traverser l’aire urbaine, sans desserte) à 59%. C’est-à-dire 3953 poids lourds en transit.
Ce chiffre de 3953 poids-lourds en transit, cela représenterait 40% du trafic de transit PL traversant l’aire urbaine comptabilisé par le CEREMA (ex-CETE). On le sait, 90% du trafic de transit circule sur un itinéraire Est-Ouest. 9860 poids-lourds comptés en transit, en majorité sur l’A13. Ce trafic, aujourd’hui, n’existe pas !
Déjà, la CCI lors de la première réunion de concertation à Évreux en juin 2014 annonçait 4000 PL en transit sur un axe Calais-Bayonne.
Et pourtant ! Sur l’aire d’une future autoroute A133-A134, le CEREMA n’a comptabilisé officiellement que 592 véhicules en transit. Poids-lourds et véhicules légers réunis.
Il y a loin de la coupe aux lèvres.
Nous savons par les comptages du CEREMA que le trafic de transit emprunte essentiellement un axe Est-Ouest : Paris-Le Havre, Paris-Caen et plus loin la Bretagne et l’ouest de la France. Cela est vrai pour les voitures particulières – pour les liaisons domicile-travail comme pour le tourisme, pour les vacances et chaque week-end – et pour les poids-lourds qui font la liaison entre le port de Paris (Gennevilliers) et le port du Havre, mais aussi entre Rungis et la production agricole.
Ainsi que toute la production et la distribution entre les 12 millions d’habitants de la région parisienne et la province…
Et pourtant encore ! La matrice OD (origine-destination) n’a pas changé selon le maître d’ouvrage. Ces poids-lourds en transit ne pourraient qu’être en majeure partie du trafic ajouté qui, au lieu de délester l’agglomération, viendrait s’ajouter à l’échangeur le plus saturé : le « Rond-Point des Vaches ».
Des objectifs économiques
Ainsi que la CCI des portes de l’Eure le réclamait en 2014, afin “d’assurer une connexion Nord-Sud sur l’axe Calais-Bayonne, assurer une connexion entre Rouen et les agglomérations de l’Eure, vers le nord et le sud de l’Europe sans contraindre les trafics à passer par la Région parisienne.”
Côté institutionnel, le message économique est le même. Pas tout à fait tout de même, car il prend acte des chiffres qui mettent en défaut la maîtrise d’ouvrage :
«Le trafic PL est en baisse. […] A aucun moment, je ne dis qu’il faut absolument qu’il y ait plus de camions. D’un côté, la priorité pour nous, c’est de faire en sorte que ces marchandises puissent arriver et repartir de ces ports dans les meilleures conditions possibles. Or vous n’imposerez jamais que tout le monde prenne la voie fluviale ou la voie ferroviaire.
Et donc, la baisse qu’on constate sur les PL ces dernières années est malheureusement liée au constat qu’on fait de manière générale sur la métropole de Rouen : on a un constat d’une économie qui dégringole. Mais doit-on s’en réjouir ?
Moi ce qui me choque dans ce que vous dîtes, c’est que vous utilisez, et vous avez raison de constater qu’il y a une baisse de trafic. On a des tendances qui ne sont pas à la hausse, et donc quelque part, qui mettent en défaut les prévisions du Maître d’ouvrage.
Ça peut se soutenir. D’un autre côté, doit-on s’en réjouir ? »
Vincent Breteau, Directeur Général adjoint de la Région Normandie (DGA), en charge de la Direction générale adjointe Transports et Aménagement du territoire. Réunion liaison A28-A13, le 19 mars 2018 à l’Hôtel de région de Rouen
Pour la Région, c’est bien le constat d’une économie qui dégringole qui est fait, de données de trafics qui ne correspondent pas plus aux données anciennes utilisées par le MO (Maître d’ouvrage) : il s’agit de créer une infrastructure autoroutière qui pourrait amener du trafic routier, qui serait à même d’attirer localement de l’activité et de l’emploi.
Nous avions rencontré Philippe Duron, Président du Conseil d’orientation des Mobilités, au Ministère de la Transition écologique et solidaire le 18 janvier 2018. Celui-ci nous avait fait part de son constat personnel sur les différences de mentalité entre nos voisins au nord, des peuples marchands historiquement, qui, dès qu’une activité prend son essor, mettent la logistique en place pour l’acheminer – leur opposant celle des Français, qui pensent qu’il faut d’abord créer la logistique, et l’industrie viendra… Le coq et l’œuf.
Mais les faits sont têtus !
Les hypothèses du MO se basent sur la synthèse des trafics 2013 du CEREMA, elle-même basée sur l’enquête cordon que le centre d’études et d’expertise avait réalisée en 1997 (il y a plus de vingt ans).
L’enquête cordon comptabilise les véhicules sortants de l’aire urbaine en sondant les conducteurs pour connaître leur origine :
- 89,1% du trafic de transit se réalise vers l’ouest, empruntant l’A13 au moins dans sa partie gratuite.
- 55% du trafic de transit ne quitte pas l’A13.
- Entre l’A28 nord et l’Est (A13) ou le Sud Est (RN154), le CEREMA comptabilisait en 2013 1983 véhicules en transit (PL + VL), soit 6% du trafic de transit.
- 4,9% du trafic de transit emprunte les pénétrantes A150-A151, au moins dans les parties gratuites.
Toutefois, le Maître d’Ouvrage et le CEREMA prévoyaient une hausse de la circulation de 2010 à 2024 :
« L’exploitation des résultats de la modélisation fait apparaître que les flux externes augmentent d’environ 21 % et les flux internes à l’agglomération de 6% en moyenne. »
C’est donc dans l’expectative de cet accroissement apparemment très important des flux externes entre 2019 et 2024 que l’on pourrait comprendre la volonté du maître d’ouvrage et du Ministère de délester le cœur d’agglomération de ces flux.
Même si l’on constate le rôle majeur de l’A13, qui à elle seule accueille 55% du transit, le CEREMA ne comptabilisait que 676 véhicules en transit entre la RD6014 et l’Ouest, et 420 entre la RN31 et l’Ouest. Attendu que ces flux sont en échange avec l’ouest, et qu’à Incarville, il n’y aurait qu’un demi-échangeur sur l’A133 – qui ne permettrait qu’une liaison vers l’A13 en direction de Paris ou la RN154 en direction de Louviers-Évreux-Orléans -, ceux-ci n’auraient d’autres possibilités que de :
- faire un détour par le nord (A29-A151-Pont Flaubert-Sud III-A13), soit un détour bien trop long et à péage ;
- ou bien emprunter quelques km de cette autoroute jusqu’au rond-point des vaches ;
- ou bien encore continuer de préférer le contournement de Pont de l’Arche, même s’il est prévu d’interdire le trafic PL de transit dans un sens à Alizay. Quelles mesures de contrôle seraient mises en place ?
Il peut être amusant de comparer la carte des flux de transit présentée par la DREAL, volontairement simpliste et accrocheuse, avec la carte réalisée par le Département des Infrastructures de Transport Multimodales (DITM) du CEREMA, que le maître d’ouvrage a utilisée.
Toutefois, attendu que le choix des couleurs, très décoratives, mais assez peu significatives, et surtout le fait qu’aucun des flux de transit n’était à l’échelle du trafic moyen journalier annuel, nous avons choisi une représentation selon nous plus lisible et compréhensible : en bleu, les flux de transit vers l’ouest, en orange, les flux de transit à l’Est, en vert, les flux de transit de l’A150 et l’A151 vers l’A13 en direction de Paris.
Et surtout, les flux sont mis à l’échelle, ce qui permet de constater d’un simple coup d’oeil la réalité du trafic. Au lieu de cette pelote de laine multicolore qui semble encombrer toute l’agglomération, on constate que la quasi intégralité du transit se fait sur l’axe Est-Ouest, et non pas Nord-Sud. Seuls 6% du trafic de transit (PL + VL) pourrait avoir vocation à emprunter le contournement – à condition de faire le choix du péage.
Les flux A13 < > A150-A151 conservent évidemment l’avantage économique du contournement Ouest (pont Flaubert-sud III), qui sera encore largement optimisé lorsque les accès du pont seront enfin réalisés.
Même avec une augmentation de 21% des flux de transit, on peinerait à voir en quoi cette autoroute procurerait un avantage pour délester Rouen. Et pourtant, il baisse…
Les prévisions du maître d’ouvrage, la Dreal, se sont révélées erronées !
« L’exploitation des résultats de la modélisation fait apparaître que les flux externes augmentent d’environ 21 % d’ici 2024, et les flux internes à l’agglomération de 6% en moyenne.
En conséquence, par rapport à la situation actuelle, il ressort que la croissance des trafics est d’autant plus importante que les axes sont soumis à un fort trafic d’échange et de transit. Ainsi, les pénétrantes (A150, A151, A28, A13, A154, RN31, RD6014) voient leur trafic augmenter de manière générale d’environ 21 % par rapport à la situation actuelle. Certains axes comme la RN31 subissent une augmentation plus limitée. » (étude socioéconomique de la DREAL, p103-104)
Deux enquêtes de circulation ont été réalisées :
- une enquête cordon qui permet de mieux connaître les déplacements automobiles qui ne font que traverser l’aire d’étude (trafic de transit) ou qui n’ont qu’une seule de leurs extrémités incluse dans cette aire (trafic d’échange). Elle fournit également des informations importantes sur le transport de marchandises. (cliquez ici pour en savoir plus)
- Une Enquête Ménages-Déplacements qui permet de quantifier et de qualifier tous les déplacements des habitants des villes françaises. Depuis 40 ans, la méthode construite garantit la reproduction des enquêtes dans le temps et une fiabilité des résultats, grâce à des règles strictes qui balisent les différentes étapes de l’enquête.
Ces deux enquêtes à elles seules donnent une “photographie” des flux de circulation dans l’aire étudiée pour les trafics d’échange, de transit et internes.
Et surtout, en comparant les enquêtes sur des périodes longues, elles permettent de corroborer ou d’infirmer les prévisions de trafic réalisées quelques années plus tôt. Elles permettent également de vérifier que les politiques en matières de transports et de déplacements ont bien porté leurs fruits, et de les corriger ou de les adapter pour atteindre les objectifs (transports collectifs, modes doux, CO2…).
La comparaison des ces enquêtes permettra de vérifier la qualité du modèle calé en 2007.
L’enquête cordon tant attendue – la précédente datait de 1997 – a été réalisée en 2014 (3 postes d’enquête), 2015 (24 postes d’enquête) et 2016 (1 poste d’enquête).
Sur le trafic PL, seuls 7 postes d’enquête sur les 28 ont généré des résultats exploitables.
L’Enquête Ménages Déplacements (EMD) a été réalisée en 2017, la précédente datant de 2007.
Que nous révèlent ces nouvelles enquêtes quand on les compare aux précédentes, nous indiquant l’évolution réelle des trafics ?
Estimation du MO :
VL :
Flux externes 2010-2024 : +21 %
Flux internes 2010-2024 : +6 %
PL :
Flux externes : +7%
Vérifié par les enquêtes :
VL :
Flux externes 1997-2016 : -13%
Flux internes 2007-2017: +1,03 %
PL :
Flux externes : +6%
Les enquêtes Cordon et ménages ont révélé le contraire sur des périodes vérifiées de 10 à 20 ans : le modèle calé s’est planté, notamment pour le trafic VL d’échange et de transit.
Mais toutes les hypothèses du Maître d’Ouvrage (croissance du PIB, croissance démographique, emploi, etc) ont été largement surestimées, jusqu’à un facteur de 1 à 4.
C’est bien ce que M. Breteau, DGA de la Région au transports et à l’aménagement nous reprochait : “[…] vous avez raison, de constater qu’il y a une baisse de trafic, on a des tendances qui ne sont pas à la hausse, et donc quelque part, qui mettent en défaut les prévisions du Maître d’ouvrage. Ça peut se soutenir. D’un autre côté, doit-on s’en réjouir ?”
Les prédictions des années 2003 à 2013, basées sur les données de 1997, peuvent désormais être évaluées en fonction des derniers comptages : elles sont erronées.
La réalité contredit la « boîte noire, dont le paramétrage est conforme aux partis pris et hypothèses prises jusqu’ici par la maîtrise d’ouvrage » :
C’est donc la maîtrise d’ouvrage qui a choisi d’exploiter un utilitaire de calcul socio-économique développé sous SciLab : « il systématise le calcul et peut faire gagner du temps et assurer une bonne cohérence entre projets similaires, mais il pâtit de l’effet « boîte noire » propre à tout modèle et ainsi rend plus difficile le travail de contrôle. » (page 22/31 de la pièce K, avis du CGI) :
« La rigidité du programme peut également être une limite à son utilisation pour des projets complexes ou atypiques (en particulier le calcul ne fonctionne que pour des projets routiers monomodaux).
Au total, la construction et le paramétrage du calculateur socio-économique sont conformes aux partis pris et hypothèses prises jusqu’ici par la maîtrise d’ouvrage », (CGI)
En regrettant de ne pas pouvoir interagir avec ces données, le CGI recommande à l’avenir de ne plus utiliser ce calculateur. »
Attendu que le maître d’ouvrage tient à rappeler que la matrice OD ne change pas, à qui donc va profiter l’autoroute ?
Qu’est ce que ça veut dire : la matrice OD ne change pas ? Tout d’abord, une matrice OD (pour origines-destinations), c’est la recherche et mesure des chemins de moindre coût le long du réseau, de plusieurs origines à plusieurs destinations. Vous en apprendrez plus ici, bien que la lecture de l’analyse de la matrice de coût OD risque de laisser plus de la moitié de nos lecteurs sur le flanc.
Ne vous flagellez-pas pour autant aux orties fraîches, retenez juste que le transit s’effectue à 90% sur un axe Est-Ouest (Paris-Deauville, Paris-Le Havre, Paris-Caen, Rennes, Nantes et le Mont-Saint-Michel…). Pour cela, on va trouver la meilleure équation temps-économie pour se rendre de son origine à sa destination, en tenant compte du réseau existant. Le plus court est la ligne la plus droite possible, tenant compte aussi de la vitesse moyenne, et des coûts carburant et péages.
Ainsi, pour se rendre un week-end de Paris à Deauville, il en coûtera 20,80€ de péage via l’A13 à un couple pressé de se rendre sur les lieux pour profiter au maximum du soleil. Un apéro sur les planches pour chacun. Mais Monsieur paiera.
Analysons maintenant le cas d’un routier en provenance du port de Gennevilliers qui se rend à Port 2000 au Havre. La situation est plus Cornélienne. Il aura 2 choix :
- l’A86 puis l’A13 jusqu’au Havre, 190 km, 2h30 de route, 77,90€ de péage ;
- l’A15, la RD6014 puis l’A13 en utilisant le contournement de Pont-de-l’Arche, 194 km, avec 50 mn de temps supplémentaire, mais en économisant les 78€ de péage.
Attendu que même avec un contournement Est qui l’emmènerait vers l’A29 en direction du Havre – plus de km, plus de temps et du péage – il ne reste d’autre choix que de décider s’il préfère perdre un peu moins d’un heure (coût de service horaire : 22,26€) ou bien s’acquitter des 78€ de péage. Si le poids-lourd convoie des fraises très mûres, ou bien que le chauffeur risque de dépasser la limite de durée de conduite journalière ou hebdomadaire, le choix Cornélien sera vite fait.
Si l’A133-A134 ne vise pas à délester du trafic de transit, mais au contraire à attirer des poids-lourds, pourquoi tous ces bouchons ?
Au cours de la dernière enquête cordon, le CEREMA a comptabilisé 17000 PL par jour en échange ou en transit – avec un transit qui s’effectue à 90% d’Est en Ouest, et 55% des véhicules qui ne quittent pas l’A13.
Même si seulement 7 des 28 postes de comptage ont généré des résultats exploitables pour différencier PL en échange ou en transit, le CEREMA estime le transit à 58%. La proportion se serait donc inversée, et le trafic PL en transit représenterait un peu moins de 10 000 poids-lourds dont la plupart vont sur le Havre, Caen, l’Ouest.
Ce ne sont pas les 6% de ce trafic qui pourraient être déviés sur cette autoroute qui expliquerait les 2680 poids-lourds en transit attendus par le maître d’ouvrage. Il y a donc bien une volonté d’attirer de nouveaux trafics sur cet énième axe Calais-Bayonne (sans contraindre les trafics à passer par la Région parisienne, comme l’a expliqué la CCI).
Si ce n’est pas le trafic de transit PL actuel qui crée les bouchons : qu’est-ce qui crée toute cette congestion urbaine, surtout sur les pénétrantes ?
A 10 ans d’intervalle, les enquêtes Ménages-Déplacements nous en livrent la raison :
Si l’on doit chercher les causes de la congestion urbaine, il faut constater l’échec global des politiques de déplacements, avec une augmentation du taux de véhicules particuliers de 6%. Et pourtant la part des transports collectifs urbains est celle qui augmente le plus.
Comment expliquer cela ? La raison vous en est expliquée sur le graphique ci-contre. (vous pouvez consulter ici notre dossier sur l’étalement urbain)
Ainsi, malgré une qualité des transports urbains en hausse, c’est l’éloignement des populations du centre de l’agglomération. +21,7% pour les transports collectifs urbains, signe de la qualité des transports collectifs dans le cœur d’agglomération.
Mais -8,5% pour les autres transports collectifs. Et ça c’est le signe que la desserte des transports collectifs hors agglomération est mauvaise. La politique en matière de déplacements hors de l’agglomération, c’est le tout voiture. Quand on pense que l’on est en train d’augmenter la surface de la plaine de la Ronce Il est logique que l’on améliore les infrastructures qui permettent de desservir l’agglomération. Et notamment les pénétrantes.
A151, A150, RD6015, RD43 au nord, A28, RN28, RN31, RD6014, il n’a jamais aussi facile de s’éloigner du cœur de l’agglomération pour aller habiter dans la campagne environnante, assez proche de la ville pour les déplacements quotidiens domicile-travail, assez loin pour pouvoir acheter moins cher qu’en ville un logement individuel séparé – l’aspiration de la plupart des ménages dans l’imaginaire social. Avec garage, jardin et barbecue.
Les élus des communes périurbaines ne sont pas en reste pour développer le résidentiel – afin de sauver le commerce, sauver l’école, rajeunir la population, créer de nouveaux services, de nouvelles activités, de nouveaux équipements…
Mais ce qui embête les habitants périurbains, c’est bien ces bouchons sur les pénétrantes.
Il faut dire que de 7h à 9h, puis de 16h à 19h, le moment où Monsieur ou Madame Toutlemonde prend son véhicule pour se rendre au travail en ville, puis pour rentrer à la maison, dans un air de campagne, la route qui pourrait être si rapide est encombrée d’autres usagers qui ont l’idée saugrenue de faire la même chose qu’eux, qui plus est, aux mêmes heures.
Alors la bonne idée, ce serait de créer une rocade, à péage, même si c’est le contribuable qui paie l’essentiel, pour que tous ces foutus gêneurs qui font la même route puissent libérer la route que je prends tous les jours, en allant emprunter cette rocade.
On évite les solutions !
Pire, certains aménagements qui permettraient de résoudre les problèmes de bouchons et de congestion sur les pénétrantes, réalisables dès maintenant et financés, doivent attendre du fait de la volonté de la Dreal, de la Métropole et du Département 76 :
C’est le cas de l’aménagement des accès du pont Flaubert. C’est le cas aussi du barreau de Quincampoix :
« Ce raccordement ne pourra se faire qu’en même temps que le Contournement Est de Rouen. C’est une préconisation de la Dreal : on ne peut pas faire ce barreau avant le contournement, pour ne pas apporter un flux de véhicules supplémentaires à hauteur du tunnel de la Grand-Mare. »
Pascal Martin, président du Département de la Seine-Maritime
Comment nommer cette façon de conditionner des aménagements réclamés depuis des années à la réalisation d’une autoroute ?
On pourrait croire à une volonté de générer de la congestion pour prouver l’utilité de cette autoroute ! Si ce barreau de Quincampoix n’est toujours pas réalisé, c’est sûrement aussi motivé par la volonté de ne pas ajouter de la circulation sur le tunnel de la Grand’Mare que l’on ferme le matin :
En plus des fermetures totales du tunnel (99 matins en 2016) pour réguler la circulation, on rend la sortie obligatoire de tous les usagers à l’échangeur du Chapitre par signalisation complète commandée à distance (activation des panneaux à message variable depuis Isneauville et des signaux d’affectation de voie en plus des barrières en pleine voie).
Si on voulait mettre à bout de nerfs des usagers, on ne s’y prendrait pas mieux !
Voilà pourquoi il faudrait créer cette autoroute, pour que les autres l’empruntent !
Sauf que ! Pour beaucoup, ce contournement permettraient aux autres navetteurs de contourner l’agglomération, libérant ainsi la route du quotidien.
Il ne viendrait à l’esprit de personne que l’autre, c’est nous. En tant qu’habitant empruntant les pénétrantes au nord, le navetteur devrait faire des kilomètres supplémentaires et s’acquitter d’un gros péage chaque jour rejoindre la rive gauche – pour laisser les autres le faire gratuitement, en ligne droite, en moins de temps ?
Tout ça pour que ce navetteur soit détourné au rond-point des vaches… et confronté quand même aux bouchons, mais dans l’autre sens cette fois ?
La vérité, c’est que les déplacements, c’est pour moitié la voiture : 1 169 000 véhicules/jour sur l’aire métropolitaine, en hausse de 6% en 10 ans.
Nous avons donc 1,169 millions véhicules particuliers/jour, auxquels on ajoute 43 000 poids-lourds, utilitaires et taxis en interne et les 8000 poids lourds en échange : cela nous donne 1,22 millions de véhicules qui ne sont pas concernés par l’A133-A134.
Quand bien même on détournerait quelques centaines de poids-lourds, il resterait 1,22 millions de véhicules dans l’agglomération, dont des dizaines de milliers de poids-lourds et utilitaires. Et les pénétrantes, aux mêmes heures, restent saturées.
L’autoroute n’est donc pas la solution pour les bouchons dans Rouen, ni sur les pénétrantes le matin et le soir.
La Dreal justifie cette autoroute par ses estimations de trafic associées à l’option de référence à l’horizon de la mise en service du projet (2010-2024).
Vous pouvez consulter ces estimations dans l’évaluation socioéconomique de la Dreal : analyse fonctionnelle, p21.
Nous sommes en 2019, et les enquêtes cordon et déplacements-ménages ont déjà montré que la hausse des trafics de transit et d’échanges, loin d’augmenter dans des proportions inquiétantes, avaient au contraire baissé de façon drastique. De 171 870 TMJA en échange et en transit en 1997, on ne comptait plus que 152730 TMJA en 2016. C’est 20000 véhicules légers en moins en 20 ans en échange/transit. Et non 36000 de plus qu’escomptait la Dreal.
Depuis, les comptages de trafic très précis ont été réalisés, tant dans le département de l’Eure que de la Seine-Maritime, aux points exacts estimés par le CEREMA et la Dreal en 2007, 2010 et 2013. Vous pouvez les retrouver en détail ici :
DDTM : carte des trafics zoom agglo 2017
DDTM : carte des trafics 2017 – département 27
DDTM : carte des trafics 2017 – département 76
Que nous apprennent ces comptages de relevés ? Deux choses essentielles :
- Le contournement Ouest joue son rôle aujourd’hui, grâce à l’A28, l’A29, l’A151, l’A150, le pont Flaubert, la N338 (Sud III). Les comptages parlent d’eux-mêmes !
Il n’y a pas, ou peu de trafic de transit sur un axe Nord-Sud à l’Est.
Les trafics de transit et d’échanges sont situés sur un axe Est-Ouest et sur l’A13. - Les requérants avaient raison depuis le début : les chiffres calculés par la boite noire de la Dreal et du Cerema étaient erronés, sinon fallacieux.
Il jouera encore mieux son rôle après la fin des aménagements des accès autour du pont Flaubert, faisant gagner énormément de temps.
L’efficience sera complète lorsque tous les poids-lourds devront, enfin, emprunter le boulevard maritime en lieu et place de la Sud III.
Mais pour que cette autoroute soit si désirée, tant par les élus que les milieux économiques, il faut bien qu’ils y trouvent un intérêt ?
Et bien, il y a la plaine de la Ronce, déjà (consulter le PLU d’Isneauville).
Confrontés depuis des décennies à la désindustrialisation, les élus de la métropole, les chambres consulaires et les milieux économiques parient sur le tertiaire pour compenser un emploi atone. Le but affiché par les élus :
- Bois-Guillaume : 17.69 hectares, dont 11.06 ha commercialisables ;
- Fontaine-sous-Préaux : 9.59 hectares, dont 4.69 ha commercialisables ;
- Saint-Martin-du-Vivier : 23.23 hectares, dont 12.13 ha commercialisables ;
- Isneauville : 45.54 hectares, dont 18.61 ha commercialisables.
Si pour les habitants et navetteurs, cela rendra la situation encore plus tendue, il faut donner de “l’attractivité” en permettant un accès direct via l’A13 pour les cadres en échange avec Paris – et ceux-là prendraient l’autoroute, le péage passant dans les frais – ; mais aussi un accès direct à l’aéroport de Rouen-Boos.
Même si la ligne Rouen-Lyon est amenée à fermer en juin 2019. Il ne restera que les lignes saisonnières vers la Corse, les Baléares, le Portugal et Naples.
Les atouts et potentialités revendiqués :
- Un cadre de vie fortement attractif….
- Une présence importante de forêts et d’espaces agricoles….
- Un potentiel économique tertiaire… .
- La présence de l’Université à Mont-Saint-Aignan….
- Une accessibilité intéressante :l’autoroute A28, la rocade Est et le développement des transports collectifs.
La vocation du plateau nord selon les élus :
- Une vocation résidentielle….
- Une vocation d’enseignement supérieur….
- Une vocation tertiaire : le développement tient compte du nécessaire équilibre et de la complémentarité avec Rouen, les quartiers Ouest et le Madrillet.
Situé à un carrefour et une entrée de Ville sur l’A28, la RN28 et la rocade, la zone de la Plaine de la Ronce est l’une des vitrines des activités économiques de l’agglomération. - Un secteur-clé de la ceinture verte de l’agglomération…
Comme le montre le PLU de Mont-Saint-Aignan, approuvé en 2007 et modifié en 2013, les élus mettent en avant le développement de nouveaux sites majeurs en périphérie :
- Mont-Jarret (150 ha prévus, 10,6 ha réalisés : Thalès…),
- Coplanord (la Ronce),
- Sidero (Maromme)…
Avec des arguments de type :
- Protéger les ressources en eau (captage d’eau de Fontaine-sous-Préaux et la zone de vulnérabilité de la nappe) ;
- assurer la maîtrise des eaux de ruissellement en limitant les extensions urbaines sur les rebords de plateaux, les thalwegs et les coteaux ;
- conforter et préserver les espaces naturels d’intérêt patrimonial
- protéger les forêts dont la forêt Verte (ZNIEFF de type II), les boisements de la vallée du Robec, leurs lisières et leurs abords ;
- protéger les vallons et les coteaux ;
- maintenir et organiser des continuités naturelles entre la vallée du Robec et la forêt Verte…
Les paroles des élus nous promettent une ville qui se construit sur elle-même, une industrie et des services qui se construisent sur les friches industrielles.
Derrière un langage de verdissement supposé de l’environnement, ce qu’ils planifient en fait, c’est l’étalement urbain, la périurbanisation de l’industrie et des services, et une autoroute pour faciliter l’accessibilité de cette zone et lui donner de l’attractivité.
Mais la plaine de la Ronce est un projet de ZAC à vocation tertiaire, et qui ne nécessite donc pas de trafic poids-lourds.
C’est un projet qui date de 2003 – il a 15 ans – et pour l’instant, sur les 100 ha planifiés, seuls 20 ha ont été vendus. On y voit surtout les relocalisations d’entreprises, ce qui crée pour les employés un allongement des déplacements domicile-travail pour la plupart. Et donc de la congestion urbaine sur les pénétrantes au nord de Rouen.
Si, comme le souhaite l’agglomération, on venait à y créer, ou y déplacer 4000, 8000 ou 15000 emplois tertiaires, ce sera autant de congestion ajoutée sur les pénétrantes. Car même avec une ligne F1 allongée, 49% des déplacements se font en automobile, et 3 à 4 fois plus en zone périurbaine.
Les usagers, sauf peut-être Sottevillais ou Stéphanais, n’ont pas d’intérêt économique ni de gain de temps à passer par le Rond-Point des vaches : la route la plus directe pour les habitants de l’agglomération, c’est la N28 ou les itinéraires de délestage S1-S2. Donc congestion, matin et soir. L’autoroute ne servirait pas au liaisons domicile-travail, uniquement peut-être aux liaisons Paris-plaine de la Ronce.
Pour la Vatine, plus encore pour la ZAC de Maromme, l’avantage économique reste l’A13 et la Sud III. L’aménagement des accès du pont Flaubert ne fera que renforcer cet avantage compétitif.
Pour ce qui est des poids-lourds, la liaison vers une aire tertiaire offre peu d’intérêt. Y créer des plateformes logistiques renforcerait la congestion au nord. Et les liaisons prévues entre les ZAC de la Vatine et de la Ronce et le Mont-Jarret sont caduques du simple fait que sur les 150 ha qui étaient prévus pour cette ZAC, seuls 10,6 ont été aménagés.
Une autoroute à 1 milliard € juste pour relier la ZAC de la Ronce au technopôle du Madrillet, cela fait cher, alors que le technopôle, l’université, le CESI au Madrillet sont parfaitement reliés à la Sud III via la RD418. L’investissement est là encore inutile.
Et s’il y a très peu de trafic de transit à l’Est, la volonté de la CCI et de la logistique transports de créer un nouvel axe Calais-Bayonne pour détourner le trafic de Paris, là encore, c’est un risque énorme pour la congestion urbaine autour de l’A28, mais aussi l’Andelle et la RN154.
On peut se réjouir d’une bonne conjoncture normande, avec un retour de l’emploi à la hausse. Sans toutefois pavoiser : la hausse de l’emploi correspondant exactement à la hausse de la démographie.
Il faut quand même se montrer très prudents : l’OMC alerte (de nouveau) sur le ralentissement de la croissance du commerce mondial de marchandises en 2019, exprimant l’urgence à résoudre les «tensions» commerciales.
Le FMI dans sa note sur les perspectives de l’économie mondiale annonce l’essoufflement de l’expansion mondiale et prévoit de nouveau une croissance à la baisse, du fait notamment de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis.
Mais les sujets d’inquiétude sont nombreux :
- la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine ;
- le coup de rein sur la croissance économique allemande, notamment due à son secteur automobile ;
- le durcissement de la politique de crédit en Chine ;
- la normalisation des politiques monétaires dans les pays avancés ;
- les tensions économiques en Amérique du Sud et en Turquie ;
- et, ce qui impactera fortement l’économie normande, l’incertitude sur le Brexit et sa nature.
Nous entendons la tentation de déplacer les ZAC à la campagne, où le foncier agricole est moins cher, plutôt que de reconstruire sur les friches urbaines et industrielles. La contrepartie, c’est des transports allongés pour les salariés, des bouchons supplémentaires et des frais de transports augmentés.
C’est pour tous ceux dont l’emploi sera déplacé un grand bonneteau et une grosse perte de pouvoir d’achat.
L’autoroute serait payée par le contribuable :
- 22 millions € par le département 76 ;
- 66 millions € par la métropole Rouen Normandie ;
- 157 millions € par la Région Normandie ;
- 245 millions € par l’État.
Elle serait payée par l’usager puisque ce serait une autoroute à péage.
Et elle sera payée par des pertes de territoires, de paysages, de terres agricoles, de forêts. Mais faire cette autoroute, c’est aussi mettre en danger les ressources en eau, sans maîtrise des eaux de ruissellement, et des destructions d’espaces naturels (Znieff de type II), des destructions de forêts, des pertes de continuité naturelle.
Les vallées et coteaux seront amputés pour aplanir, niveler le territoire sur le tracé de l’autoroute.
Quand au Robec, il serait traversé par l’Autoroute.
L’exact contraire des arguments des élus promoteurs de la périurbanisation et de l’autoroute.
Si l’on perd des captages d’eau potable qui alimentent des centaines de milliers de personnes, les politiques qui en auront décidé en seront-ils jugés responsables ? Paieront-ils les packs de bouteilles plastiques pour boire, faire à manger et se laver ? Tout au plus ils diront qu’ils ne savaient pas, qu’ils ne pouvaient pas savoir…
Ils iront chercher l’eau plus loin, dans l’Eure.
Il faudrait construire les villes à la campagne, l’air y est plus sain.
Attribué à Alphonse Allais (ou à Jean-Louis-Auguste Commerson, et plus loin encore…)
Mais le vrai intérêt de l’autoroute, il faut laisser à Arnaud Hary, président de l’Asfa (association des sociétés autoroutières françaises), le soin de le décrire :
- La 1ère priorité concerne la mobilité périurbaine, c’est là que se fait le développement actuellement ;
- Il y a des morceaux d’infrastructures encore à construire ;
- la comodalité ;
- la régulation des trafics ;
- la numérisation croissante de nos déplacements ;
- construire des contournements d’agglomérations ;
- construire certains barreaux manquants ;
- reprise d’infrastructures existantes ;
- nécessité d’un vrai choc de simplification ;
- privilégier des procédures groupées, efficaces, et que tous les acteurs de ces procédures privilégient la réussite durable de leurs projets ;
- revenir sur les régulations additionnelles qui pèsent sur le secteur des concessions : ils sont une entrave à la réussite de leurs projets !
Reprenons ces points 1 par 1 :
- 1ère priorité, la mobilité périurbaine : c’est donc bien le constat fait plus haut, mais on voit ici à quelle point l’étalement urbain est une volonté partagée entre élus, chambres consulaires, sociétés concessionnaires d’autoroutes, BTP et promoteurs immobiliers ;
- Les morceaux d’infrastructures à construire sont vraisemblablement les liaisons connectant entre elles les autoroutes concédées, en évitant que les usagers leur échappent ;
- La comodalité ! Il y avait l’intermodalité, tant pour le fret que pour les déplacements, mais dès 2006, le concept de comodalité est né : il s’agit d’optimiser les demandes exprimées par les usagers en adaptant l’offre à la demande. Le but est de maximiser le profit global en transportant les usagers de leurs origines à leurs destinations. Malheureusement, la comodalité est essentiellement monomodale, c’est à dire du tout routier, et une ineptie environnementale. Des cars Macron pour remplacer les trains qui emprunteront les autoroutes, du bla-bla car, des aires de co-voiturage, pourvu que tout passe par la route.
- La régulation des trafics, c’est l’affaire de toute la logistique transports et déplacements, pour les avions, les trains, les bateaux, et bien évidemment, la route. Il y a la régulation dynamique qui permet de moduler les vitesses selon les conditions de la route, les itinéraires de délestage, les feux, les voies réservées, tout un arsenal permettant de réguler la circulation. Dans une agglomération ou une métropole, ce sont les services de la métropole, de police, mais surtout les DIR (Directions Interdépartementales des Routes) qui la prennent en charge. Elles le font afin de privilégier, tant que faire se peut, l’intérêt des usagers. Imaginons que cette régulation soit gérée à l’avenir dans les agglomérations et les zones périurbaines par les concessionnaires, quels intérêts privilégieraient-elles ?
- La numérisation croissante des déplacements, pour les concessionnaires, c’est essentiellement le télépéage aujourd’hui, et demain, les péages ouverts… Du péage.
- Les contournements d’agglomérations. Nous y sommes. Des autoroutes urbaines, à péage, et dans le cas de l’A133-A134, payée à 55% par le contribuable.
- Pour les barreaux manquants, on peut penser immédiatement à tout l’ouest de la francilienne, qu’il n’est pas possible d’aménager aujourd’hui. Mais ce sont des choix qui ont été refusés pour diverses raisons : indécisions politiques, refus des populations, mais aussi des choix préférentiels de réaliser des routes nationales plutôt qu’autoroutières…
- Reprise d’infrastructures existantes ! C’est la polémique actuelle lancée par la note de l’Asfa, qui réclame la mise en concession des routes nationales en 2×2 voies. Le réseau d’autoroutes concédées, c’est 9200 km. Mais il reste 2600 km d’autoroutes non concédées (appartenant à l’État), et 9600 km de routes nationales (mais seulement les nationales à chaussées séparées, et 2×2 voies intéressent les concessionnaires. Ce sont les plus rentables. Au total, les concessionnaires aimeraient voir passer dans leur giron 6822 km de ces routes. Le prix de base de la négociation ? Une économie d’entretien pour l’État. Le réseau français continue de se privatiser !
- Nécessité d’un vrai choc de simplification : il est vrai que c’est embêtant, coûteux, long toutes ces études et enquêtes sur la ressource en eau, la biodiversité, la faune et la flore, la pollution, le bruit… Le choc de simplification, c’est passer de l’administration de contrôle à une administration de conseil. C’est le désarmement de l’administration, mais aussi l’éviction des citoyens sur ce qui concerne leurs impôts, mais aussi leur territoire et leurs biens communs.
- Des procédures groupées et efficaces, et que tous les acteurs de ces procédures privilégient la réussite durable de leurs projets : dès l’instant que le choc de simplification est fait, plus besoin de débats publics, contraignants et fastidieux, et surtout, uniquement des acteurs qui privilégient la réussite des projets autoroutiers. Vite et pour toujours. Exit les opposants. des procédures groupées aussi pour optimiser les travaux : 2022-2024 : l’A133-A134. 2024-2027 : l’A154 d’Orléans à Nonancourt près d’Évreux. 2027-2028 : Nonancourt-A133 pour être efficaces et grouper les liaisons ?
- revenir sur les régulations additionnelles qui pèsent sur le secteur des concessions : Les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont déjà bénéficié d’un contrat en or signé par M. Macron et Mme Royal en 2015 : stabilité fiscale ad æternam, allongement de la durée des concessions, augmentation des péages, des coûts de travaux surestimés, dont une partie substantielle était déjà prévue dans le contrat initial : les travaux – bretelles, rénovations d’aires d’autoroutes, péages – seraient donc payés deux fois. Nous vous invitons à lire “autoroutes : l’histoire secrète des privatisations” et toutes les pièces jointes en liens. Et évidemment le dossier de mediapart sur ce sujet brûlant.
Le réseau d’autoroutes concédées, qui a été pensé pour des liaisons interurbaines, est en réalité déjà utilisé dans les zones périurbaines et urbaines pour les déplacements du quotidien. Mais un grand nombre d’usagers de territoires uniquement desservis par la route sont aujourd’hui prisonniers de la congestion et subissent un véritable sentiment d’exclusion et d’enclavement.
Arnaud Hary – vœux Asfa 2018 – https://www.autoroutes.fr/fr/actus-asfa.htm
Nous avons présenté des propositions dans le cadre des Assises car nous pensons que, par le développement de solutions innovantes sur les sections autoroutières aux abords des agglomérations, les sociétés d’autoroutes sont en mesure d’offrir une contribution décisive vers une mobilité plus connectée, plus partagée, plus respectueuse de l’environnement, plus accessible à l’ensemble des populations de ces territoires mal desservis.
Pour une mobilité plus respectueuse de l’environnement, il faudra sans doute repasser. Mais pour un développement très durable des profits – 55 ans et au delà -, là on détient enfin les clés de l’intérêt pour l’autoroute.
Bref, on privatise les déplacements et la route. Pourquoi ? Le profit. Simple et efficace.
Nous avons là un condensé des demandes de l’asfa :
- la mobilité périurbaine, leur priorité n°1 ;
- des morceaux d’infrastructures encore à construire ;
- construire des contournements d’agglomérations ;
- construire certains barreaux manquants ;
- reprise d’infrastructures existantes (RN154) ;
L’État et les élus mettront-ils en place le vrai choc de simplification que l’asfa demande ? Que tous les acteurs de ces procédures privilégient la réussite durable de leurs projets, donc en éliminant la participation citoyenne qui ne veut pas de ces projets, en revenant sur les régulations additionnelles qui sont une entrave à la réussite de leurs projets !
Il y en a pour (presque) tout le monde. Sauf pour les usagers du quotidien, les habitants, et la nature qui passe à la trappe. Il y aura du BTP, des opérations foncières et immobilières, de l’aménagement de ZAC, de la finance car il y aura beaucoup d’emprunt, et de juteux profits pour le concessionnaire autoroutier. Et l’État (désengagement, TVA, etc).
Les salariés seront déplacés, feront plus de route le plus souvent, et on ne peut que craindre une congestion plus importante des pénétrantes, dans les deux sens.
Lire aussi : Trafic routier dans l’aire métropolitaine de Rouen (par jour)