Contournement Est de Rouen = Autoroutes à péage A133-A134

Pour la première fois, la justice reconnaît une carence fautive de l’État en matière de lutte contre la pollution atmosphérique au sens des dispositions précitées du code de l’environnement.

Contournement Est de Rouen = A133-A134, autoroutes à péage inutiles et imposées

Pour la première fois, la justice reconnaît une carence fautive de l’État en matière de lutte contre la pollution atmosphérique au sens des dispositions précitées du code de l’environnement.

l’État a commis une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air

Le 25 juin, le Tribunal administratif de Montreuil a reconnu la carence fautive de l’État dans la lutte contre la pollution atmosphérique.

l’État a commis une faute du fait de l’insuffisance des mesures prises en matière de qualité de l’air

Une requête de Mme T., enregistrée le 27 février 2018, a été renvoyée au tribunal administratif de Montreuil. Par cette requête, Mme T., agissait en son nom propre et au nom de sa fille mineure, Mme Lina T.

La pollution atmosphérique est à l’origine des préjudices subis, en ce qu’elle a aggravé ses problèmes de santé ainsi que ceux de sa fille.

Madame T. demandait de condamner l’État à leur verser la somme de 160.000€  en réparation du préjudice subi, et de condamner l’État aux dépens.

Le préfet de police, préfet de la zone de défense et de sécurité de Paris, et le ministre de la transition écologique et solidaire, ont tous deux conclu au rejet de la requête, soutenant que les moyens soulevés par la requérante n’étaient pas fondés.

Sur la compétence de L’État et ses établissements publics, des collectivités territoriales et leurs établissements publics, sur une politique dont l’objectif est la mise en œuvre du droit reconnu à chacun à respirer un air qui ne nuise pas à sa santé, les dispositions mises en place sont par elles-mêmes dépourvues de portée normative et ne sont pas susceptibles d’engager la responsabilité de l’État en cas de pollution atmosphérique.

Il résulte de l’instruction que les seuils de concentration de gaz polluants fixés à l’article R.221-1 du code de l’environnement ont été dépassés de manière récurrente entre 2012 et 2016 dans la région Ile-de-France.

Si le dépassement des valeurs limites ne peut constituer, à lui seul, une carence fautive de l’État en matière de lutte contre la pollution atmosphérique au sens des dispositions précitées du code de l’environnement, l’insuffisance des mesures prises pour y remédier est en revanche constitutive d’une telle carence.

Sur la responsabilité des services déconcentrés de l’État :

En revanche, sur la responsabilité des services déconcentrés de l’État, la responsabilité de l’État n’est engagée qu’en ce qui concerne l’insuffisance du plan relatif à la qualité de l’air pour l’Ile-de-France adopté le 7 juillet 2006 et révisé le 24 mars 2013 et de ses conditions de mise en œuvre :

  • Mme T. soutient que l’épisode de pollution en région Ile-de-France à la fin de l’année 2016 était décelable dès le 28 novembre, or, des relevés fournis par l’association AIRPARIF, seule agréée pour la surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France en application des dispositions précitées, que l’indice européen de pollution Citeair était qualifié de «faible» pour les journées des 28 et 29 novembre 2016 ;
  • Dès lors que la circulation alternée a été mise en place à deux reprises, dès que le caractère prolongé de l’épisode de pollution a été constaté, Mme T. n’est pas fondée à invoquer une carence fautive du préfet de police ;
  • les prescriptions particulières prévues dans les autorisations d’exploitation des installations classées pour la protection de l’environnement et l’interdiction de l’utilisation du bois de chauffage individuel d’appoint ou d’agrément ont été mises en œuvre par arrêtés préfectoraux entre le 1eret le 11 et du 16 au 17 décembre ;
  • la requérante n’établit pas qu’un manquement serait caractérisé concernant la restriction de l’utilisation de groupes électrogènes ;
  • la requérante n’établit pas que les moyens consacrés à cette opération auraient été insuffisants, alors même qu’il résulte de l’instruction que le nombre d’agents affectés au contrôle des véhicules par la préfecture de police a doublé lors des six journées de mise en place de la circulation alternée.

Sur le lien de causalité :

Mme T. soutient que les bronchites dont elle est atteinte, ainsi que les crises d’asthme de sa fille Lina, sont imputables à la pollution atmosphérique en Ile-de-France.

S’il est vrai que sa fille Lina souffre d’un asthme diagnostiqué en 2010, les documents produits, qui consistent en des relevés d’exploration fonctionnelle respiratoire dont les résultats ne sont pas explicités, ou encore en des documents relatifs à un projet d’accueil individualisé dans son établissement scolaire, ne permettent pas d’imputer sa pathologie, ou son aggravation alléguée, à ces mêmes dépassements de seuils de pollution atmosphérique. Il ne résulte ainsi pas de l’instruction, au vu des éléments produits, que les pathologies de la requérante et de sa fille trouveraient directement leur cause dans l’insuffisance des mesures prises par l’État au cours de la période 2012-2016 pour limiter au maximum les périodes de dépassement de seuils de concentration en gaz polluants, ou que ces pathologies auraient été aggravées par cette carence fautive.

Dès lors, Mme T. n’est pas fondée à soutenir que l’État doit indemniser leurs préjudices consécutifs à ces pathologies.

La requête de Mme T. est rejetée. Mais la carence fautive de l’État en matière de lutte contre la pollution atmosphérique est retenue.

Et pour l’avenir, peut-on envisager que des victimes de pathologies liées à la pollution qui apparaîtraient après la construction d’une autoroute puissent être indemnisées si l’on prouve que la pollution atmosphérique en est la cause ?

Le Tribunal a statué qu’aux termes de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi.(…) ». Aux termes de l’article 8 de cette convention : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.(…) ».

L’obligation positive de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection de la vie au sens de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales implique avant tout pour les États le devoir primordial de mettre en place un cadre législatif et administratif visant une prévention efficace et dissuadant de mettre en péril le droit à la vie.

Les États doivent également s’acquitter d’une obligation positive de garantir le respect du domicile et de la vie privée et familiale, en prenant, avec la diligence requise, les mesures appropriées adaptées à la nature des affaires posant des questions environnementales, en présence d’un risque grave, réel et immédiat pour la vie, la santé ou l’intégrité physique ou encore de nuisances de nature à empêcher de jouir de son domicile.

L’Anses a publié les résultats de son expertise relative aux particules de l’air ambiant :

160 études portant sur 20 composés, 16 sources et 83 modifications physiologiques ou effets sur la santé, ont ainsi été analysées et intégrées selon une méthode d’évaluation du poids des preuves.

Les niveaux de preuves les plus forts d’effets néfastes pour la santé concernent le carbone suie, le carbone organique et les particules ultrafines (taille nanométrique). Les données recueillies depuis 2013 confirment ou renforcent le lien avec des atteintes respiratoires et cardiovasculaires et les décès anticipés.

En conséquence, l’Anses recommande de prendre en compte en priorité ces trois indicateurs particulaires dans les politiques publiques relatives à l’air.

L’Agence conclut que les évolutions de technologies du parc de véhicules permettront une diminution plus ou moins marquée de la pollution de l’air ambiant selon les scénarios, mais qu’elles seront insuffisantes pour améliorer, à elles seules, la qualité de l’air ambiant dans les agglomérations.

L’Anses recommande ainsi d’encourager la promotion des technologies alternatives et surtout la réduction du trafic (-20% à -25%), à travers notamment le renforcement des autres modes de mobilité, dans le cadre des politiques d’amélioration de la qualité de l’air.

La création d’une autoroute augmenterait jusqu’à 14% la pollution due au trafic routier, et augmenterait le trafic et le kilométrage des trajets. Si cela contrevient aux recommandations de l’Anses, pourra-t-on invoquer la carence fautive de l’État en cas d’apparition de pathologies ou de décès prématurés, et obtenir des indemnités pour les futures victimes ?

État et collectivités locales vont-ils installer des capteurs capables de détecter le carbone suie, le carbone organique et les particules ultrafines ?

L’État envisage-t-il une réduction du trafic routier, ou son augmentation ?