Contournement Est de Rouen = Autoroutes à péage A133-A134

Damien Adam, député LREM de Seine-Maritime, défend le contournement Est de Rouen avec les arguments de la CCI

Contournement Est de Rouen = A133-A134, autoroutes à péage inutiles et imposées

Damien Adam, député LREM de Seine-Maritime, défend le contournement Est de Rouen avec les arguments de la CCI

Damien Adam, député LREM 76

Devant une Assemblée nationale pour le moins clairsemée, Damien Adam vient demander à M. Djebbari, Secrétaire d’État chargé des Transports, d’engager d’urgence le processus de désignation du futur concessionnaire de l’autoroute.

Pour cela, le député égrène une liste des avantages supposés de l’autoroute A133-A134, dite contournement Est de Rouen. Ces arguments, nous les avons déjà entendus lors des concertation et enquête publique de la part de représentants de la CCI.

Pour le député Adam, le rebond économique de la métropole viendra des zones logistiques et portuaires.

C’est ainsi qu’il défend l’implantation d’Amazon sur l’ancien site de Petroplus, au nom de l’emploi. « Il vaut mieux avoir cette part d’emplois variables que pas d’emplois du tout », dit-il.
Alors que la maire de Mondeville et les élus de l’agglomération de Caen se sont opposés à l’implantation d’Amazon afin de ne pas concurrencer le commerce de proximité, l’élu seino-marin considère au contraire que cela ne nuira pas au commerce de proximité : « Les Français n’ont pas attendu qu’il y ait un entrepôt à proximité pour commander sur internet. Il faut que nous travaillions sur la valorisation des commerces locaux par rapport à internet ».

Il a raison de dire que les gens n’ont pas attendu qu’il y ait un entrepôt à côté pour commander sur Amazon. On a le choix entre deux formules : livraison gratuite à partir de 25 € en quelques jours ouvrés, ou Amazon prime, à 49 € / an pour une livraison en 1 jour ouvré.

Quand on veut acheter quelque chose le jour même, on se rend dans les magasins, c’est rapide. Il y a le plaisir de faire du shopping. On sort, on se promène, on rencontre d’autres gens, il y a du contact humain, et c’est l’occasion d’aller prendre un café, de se divertir, de voir ce qui se passe.

Amazon livre tout en 1 heure, de 8h à minuit :

Avec son service de proximité, Amazon prime now, cela change radicalement la donne : les abonnés peuvent alors se faire livrer leurs achats en une heure, de 8h à minuit. C’est simple comme commander une pizza. Et ce n’est pas seulement les centaines de millions de référence de l’enseigne que l’on commande, mode, high-tech, sport, maison, mais aussi les produits frais et surgelés, alimentaire, boissons…

Amazon est terriblement efficace, économique, et couvre tous les besoins de la consommation. Maintenant livré dans l’heure lorsque l’entrepôt est à proximité. Et si l’article ne nous convient pas, on le renvoie. Gratuitement, sans justifier la raison.

Et on peut s’abonner à des produits qui seront livrés automatiquement : packs d’eau, couches pour bébés, lingettes, produits de beauté, en s’adaptant aux besoins des consommateurs. Même pour les supermarchés, la concurrence sera rude. Tout ce qui est lourd, encombrant, livré à domicile sans surcoût. Et des millions de produits disponibles.

Le député peut effectivement se louer de l’efficacité du lieu choisi, imaginant « des chargements de barges de produits qui viendraient d’Asie ou qui iraient jusqu’à la région parisienne », mais il est difficile de dire que la concurrence ne sera pas féroce envers le commerce local.

Les élus qui se prononcent pour l’implantation pourront se féliciter du nombre d’emplois créés en une fois, le symbole est là, mais on peut s’inquiéter du risque de disparition d’emplois dans les commerces, incapables, eux, de livrer dans l’heure, de disposer d’un tel nombre de références en stock, et même sur commande.

Mais ceux-là risquent de disparaître petit à petit, sans faire de bruit.

Amazon, c’est efficace, mais c’est un autre style de vie que celui que nous connaissons actuellement, favorisant rencontres et échanges.

La solution, selon Damien Adam, est « que la Métropole de Rouen développe un « Amazon des commerçants locaux », une boutique en ligne unique où chaque commerçant de notre territoire pourrait rendre disponible ses produits avec livraison ou click&collect ».

On imagine très difficilement que la métropole de Rouen puisse développer un « Amazon des commerçants locaux » qui regrouperait l’ensemble des références de tous les commerçants, serait capable de passer les commandes, avec un système de paiement, collecterait les produits chez chacun d’eux, organiserait les commandes, l’empaquetage pour le client et la livraison chez chacun d’eux, le tout avec la même efficacité qu’Amazon, dans l’heure, ou les deux heures, voire même dans la journée.

Sur le volet environnemental, le député estime que c’est un gain pour la métropole, puisque « les produits seraient acheminés jusqu’aux clients rouennais avec des camions plus petits et donc moins polluants (voire pas polluants du tout avec des véhicules électrique ou hydrogène) ».

Qui a jamais croisé un camion électrique ou à hydrogène ? N’insultons pas le futur, mais au présent, ça reste des camions ou des utilitaires de transporteurs de partenaires nationaux (La Poste et Colissimo, qui compense le déclin du courrier par la livraison de colis, Chronopost, UBS, TNT, FedEx, etc), qui eux-mêmes s’appuient sur leurs réseaux de sous-traitants et de livreurs indépendants qui livrent les colis en camionnette pour le dernier kilomètre. C’est efficace, mais loin d’être aussi écologique que la vision de livraisons par camions électriques.

Tout cela, ce sont des véhicules qui ne seront pas concernés par les interdictions de trafic de transit. C’est du trafic interne ou d’échange. Ils feront donc le choix le plus économiquement profitable. Et il ne passe pas forcément par le péage.

Cela dit, Amazon planifie d’acquérir 100 000 camions électriques d’ici 2030. Si l’entreprise arrive à ses fins, ce n’est plus seulement le commerce de proximité qui sera mis en concurrence, mais le secteur du transport et de la livraison.

Évidemment, remplacer l’activité actuelle par la logistique, cela nécessite des infrastructures. Le plus possible, que les camions les empruntent ou non.

Et donc, Damien Adam veut une autoroute supplémentaire. Celle-ci serait en grosse majorité payée par l’argent public et confiée à un concessionnaire.

Partisan du « en même temps », il veut détourner les camions de l’agglomération de Rouen, et, « en même temps », attirer vers l’agglo les camions qui passent actuellement par Paris.

Il veut développer la logistique, en faire la nouvelle économie de la métropole, et « en même temps » réduire les nuisances des poids-lourds.

Le député prétend aussi connecter la Normandie au Nord de l’Europe… où se situent les grands ports européens (Rotterdam, Anvers, Hambourg et Amsterdam étant les 4 plus grands ports européens). Mais grâce à de nombreuses autoroutes, la Normandie est déjà ultra-connectée au Nord, à l’Est, au Sud et à l’Ouest. Et bientôt la Seine sera connectée aux ports du Nord via le fluvial et le canal Seine-Nord-Europe.

Décryptons donc les arguments présentés :

« Voilà presque 50 ans que les Rouennais attendent ce projet indispensable pour le développement du territoire » :

C’est très mal connaître l’histoire du projet d’aménagement de l’époque.

Le SDAU (Schéma Directeur d’Aménagement et d’urbanisme) Rouen Elbeuf de 1969 était basé sur des perspectives de croissance démographique hallucinantes (230% en 40 ans). On allait créer des villes nouvelles et baser le développement de l’axe Seine préfigurant le Grand Paris.

On peut le constater ici.

Et ainsi, ce n’est pas une seule autoroute, l’A13, au Sud qui devait permettre de relier Paris à la mer et la province, mais deux autoroutes : l’A15 au Nord devait permettre de relier le port de Gennevilliers aux deux ports de Rouen et du Havre.

schéma d'aménagement basse seine 1972

Cette autoroute, de surcroît, devait traverser la ville par les quais bas rive droite.

Une grande rocade à l’Ouest, et non à l’Est, devait relier les deux autoroutes.

Tandis qu’à l’Est, une liaison rapide devait permettre un shunt entre le Vaudreuil Ville Nouvelle (qui devait compter 100 000 habitants, loin des 17 000 habitants du Vaudreuil et de Val-de-Reuil réunis aujourd’hui) à l’A15. Cela créait un raccourci pour relier Caen-province et le port de Paris.

Ce n’est donc même pas un abus de langage, c’est tout simplement faux : le projet d’autoroute A133-A134 n’existait tout simplement pas il y a 50 ans.

Et même en 2005, le projet de rocade à l’Est était un projet de proximité à Rouen, avec un franchissement à Belbeuf, pour rejoindre la zone industrielle rive Gauche, et non une autoroute qui conduit au rond-point des vaches.

« Toutes les agglomérations françaises en bénéficient, et Rouen est une des dernières à ne pas en avoir » :

Argument répété pendant la concertation, et démenti, il est faux : si l’on prend les agglomérations comparables à celle de Rouen, de 400 000 à 600 000 habitants, la plupart n’a pas de rocade complète. C’est le cas de Toulon, Lens-Douai, Grenoble, Montpellier, Metz, Nancy, Clermont-Ferrand, Valenciennes, Tours…

Cela aurait pu être le cas de Strasbourg, mais malheureusement, une autoroute est en train de passer sous le bitume en 2020. Nous en constaterons les dégâts environnementaux, et le succès qu’il obtiendra au niveau trafic.

A Rouen, l’A150 qui devait détourner des milliers de poids-lourds et délester le trafic pendulaire est un échec, tant commercial qu’en terme d’utilité publique. Et pourtant, ils avaient prévu 14.000 véhicules/jour dès l’inauguration, en 2015, et 17.000 trois ans plus tard. On n’en comptait pas la moitié en 2017, et les milliers de poids-lourds se sont transformés en centaines.

« Le projet routier 2×2 voies à péage de 40 km a pour objectif de détourner vers un nouvel axe à l’Est le trafic de véhicules, et notamment les camions qui ne font aujourd’hui que traverser la métropole de Rouen et contribuent à sa pollution. C’est donc un gain environnemental considérable » :

Non seulement le trafic de poids-lourds en transit (ceux qui sont concernés par l’autoroute, du fait des interdictions de trafic PL de transit dans l’agglomération) est largement surestimé, mais il y a une confusion qui est entretenue entre le trafic de transit dans l’agglomération rouennaise, et le trafic de transit dans la métropole.

90% du trafic de transit emprunte l’A13, qui elle-même traverse la métropole. Mais jusqu’à plus ample information, l’A13 dessert Rouen mais ne traverse pas Rouen.

Une enquête du Grand Port Maritime de Rouen indiquait que sur les dizaines de milliers de poids-lourds qui traversent l’agglomération, seuls 1000 poids-lourds étaient en transit. Et sur ces 1000 poids-lourds, combien se dirigent vers l’A13 à l’Ouest, et donc pas concernés par cette autoroute ?

Deuxième argument erroné : ce serait un gain environnemental !

L’Autorité environnementale elle-même évalue le coût additionnel en CO2 à 50 000 tonnes par an. Plus de CO2, cela signifie plus de carburant, plus de kilomètres, de particules fines, ultrafines, et de tous les polluants liés à la circulation routière.

Sans même compter la destruction de forêts, de prairies et de terres  agricole, la seule augmentation du CO2 et de la pollution suffit à affirmer que c’est une perte écologique !

« Rappelons que le tracé retenu permet de conserver un maximum de nos forêts, et que les terres consommées feront l’objet de compensations, qui plus est, au plus près du projet d’infrastructure » :

Mais ce sont des centaines d’hectares de forêts et de terres agricoles qui seront détruites, comme le confirme le président de la Safer, Emmanuel Hyest.

516 hectares d’espaces naturels ou agricoles : la moitié concerne des terres agricoles, réputées pour leur fertilité, et 146 hectares des espaces boisés classés.

Les compensations ne sont que des rachats à l’amiable pour compenser les parcelles détruites par l’autoroute. Donc des pertes de terres. Les terres deviennent de plus en plus rares.

Emmanuel Hyest prévient qu’il s’agit d’une responsabilité d’élu que de classer les terres agricoles durablement. Mais les élus eux-mêmes promeuvent de nouvelles ZAC, et de nouvelles zones pavillonnaires par l’aubaine que procurerait l’autoroute. Combien de centaines d’hectares supplémentaires seraient détruites ?

« Pour les Rouennais, le projet offrira des temps de parcours fiabilisés, des déplacements plus faciles et plus rapides au quotidien, et une qualité de l’air et de vie améliorée dans le centre de Rouen » :

Là encore, pour les Rouennais, on est au bord de l’intox, il suffit pour s’en convaincre de regarder la carte des gains de temps estimés par le maître d’ouvrage, la Dreal, pour Rouen en heure de pointe : sur la gauche, l’accessibilité (en minutes) à partir de Rouen vers différents points de l’agglomération.

Rouen : gains de temps estimés par la Dreal sans l'autoroute ou avec l'autoroute
Rouen : gains de temps estimés par la Dreal sans l’autoroute ou avec l’autoroute

Ce qui frappe au premier regard, c’est que les accès rive gauche prendront plus de temps. Avec le contournement Est, et l’A134 qui débouche au rond point des vaches. Pour les Rouennais, les accès vers l’A13 au rond-point des vaches ou la Sud III seront plus longs. Pour les riverains de la rive gauche, ce sont des pertes de temps, plus d’embouteillages, plus de pollution. À la fois, pour se rendre dans le centre-ville, mais aussi vers l’A13.

Le seul intérêt semble être quelques minutes, à la marge, au Nord-Est de Rouen. Mais cela à la condition que les usagers qui empruntent le tunnel de la Grand Mare veuillent bien emprunter l’autoroute : 28 km à péage pour déboucher au rond-point des vaches, puis rebrousser chemin pour regagner son lieu de travail sur des voies plus embouteillées qu’avant, rive gauche. Jusqu’à 20 minutes de plus.

Au final, celui qui se rend d’Isneauville à son lieu de travail rive gauche devra faire 34 km, dont 28 km d’autoroute, pour se rendre à son travail rive gauche, plutôt que 12 km gratuitement. Avec plus du triple de consommation (autoroute oblige), plus de pollution, et en plus 6,7 € (péage préconisé par la Dreal) à plus de 10€ (péage de l’A150) par jour.

Et avec ça, une perte de temps, sauf peut-être pour ceux qui travailleraient effectivement au rond-point des vaches.

Mais si le député met en avant les Rouennais, et plutôt les Rouennais rive droite, la situation se répète, la situation devient parfois ubuesque pour les autres habitants de la métropole, avec parfois des gains de temps sur des trajets qui dépassent le temps de trajet effectif actuel. Les gains de temps devraient représenter pourtant l’essentiel des avantages, évalués à plus de 1,5 milliard €. C’est ici.

Les deux arguments tombent, tant celui de trajets fiabilisés et de gains de temps, mais aussi celui de la qualité de l’air.

« Ce projet est aussi un gage de développement économique, et notamment des zones logistiques et portuaire » :

Pour l’argument, se reporter au vœu du député de voir s’implanter Amazon. Mais voir le nombre de poids-lourds et camions de livraison augmentera, ce qui n’est pas la promesse faite aux habitants de faire baisser le trafic PL.

Pour contrer le déclin industriel, et donc économique, nos élus se tournent vers une nouvelle industrie : l’import de biens de consommation chinois, et leur livraison dans l’aire métropolitaine, et plus loin, dans les départements limitrophes.

Ce que nonobste le député, c’est qu’un des plus grands projets d’infrastructure, entre les pays du Nord et la Seine, est en cours de réalisation. C’est le canal Seine-Nord-Europe.

Le canal Seine-Nord-Europe a été ignoré durant la concertation et l’enquête publique, au motif, selon les enquêteurs, que ce serait un mauvais projet pour la Normandie, et que celui-ci ne serait pas mis en route. Il l’est.

L’ « implementing act » a été adopté par la Commission européenne, et les sondages géotechniques ont commencé, ce qui contredit les avis des Commissaires enquêteurs.

Le CSNE serait évidemment un concurrent d’un axe routier Nord-Sud passant par Rouen.

Quatre plateformes multimodales sont d’ores et déjà prévues :

  • Cambrai-Marquion desservie par l’A26 vers Calais et l’A2 vers Bruxelles. Une desserte ferroviaire est prévue ;
  • Péronne desservie par l’A1, l’A2, la D1017 ;
  • Nesle desservie par l’A29 vers Saint Quentin, et de l’autre côté l’A29 Amiens, Rouen, le Havre. Un raccordement ferroviaire est prévu ;
  • Noyon plus au sud est desservi par l’A1-A3-A10. Le CSNE ne nécessite pas de liaison Rouen-Orléans-Tours.

Le canal Seine-Nord n’est pas un axe complémentaire à un énième axe Calais-Bayonne passant cette fois à l’Est de Rouen. Avec la réalisation du canal et des quatre plateformes multimodales, l’A133 comme axe Seine Nord devient caduque.

Tout d’abord, il est plus écologique et moins polluant en transport, il permettra d’économiser de deux à quatre fois de carburant et CO2.

Il sera un axe structurant pour la moitié nord de la France, et avec ses plateformes multimodales et ses raccordements ferroviaires, donne accès aux ports, à Roissy, un axe fluvial qui dessert Calais, Dunkerque, Anvers, Bruxelles, Gennevilliers, le Havre, donc l’Ouest l : A13-A84-A10.

Les poids-lourds en provenance des plateformes multimodales prévues auront la possibilité d’assurer le maillage fin du territoire, mais aussi du trafic longue distance : Est, Nord, Ouest et sud. Et la capitale.

Pour tous types de marchandises : conteneurs, vrac, céréales… Qu’est-ce qu’un concurrent sinon cet axe : les CCI annoncent un report de 500.000 PL vers le fluvial. Chiffre que nous jugeons trop optimiste.

Pour les ports normands, le CSNE représente encore un risque. Qu’il faudra affronter et transformer en opportunité, afin de disposer de cette connexion à l’Escaut et au réseau fluvial des pays du Nord. Leurs grands ports, grâce à cet atout du fluvial, bénéficient d’un énorme avantage économique.

La France dispose du plus grand réseau fluvial d’Europe, avec 8500 km de canaux et de fleuves, dont 1800 km à grand gabarit. La Seine de l’estuaire à Gennevilliers permet le cabotage 24 h/24. Mais seuls 4% des marchandises sont transportées par voie fluviale.

C’est évidemment le fluvial, ainsi que le ferroviaire qu’il faut favoriser, et non le routier. L’enjeu en matière écologique, de quotas d’émissions de CO2 et d’importations de carburant est prioritaire.

Le CSNE, ses plateformes multimodales, les raccordements ferroviaires annihile toute possibilité de créer un second axe Calais-Bayonne passant par Rouen qui puisse être rentable.

Le député ne peut ignorer ce fait, mais peut le passer sous silence.

« Le projet participe enfin à la connexion de la Normandie au reste de l’Europe, par le Nord en évitant Paris » :

Le député LREM Adam estime que la Normandie n’est pas assez connectée au nord de l’Europe ?

Avec L’A16, l’A29, l’A28, l’A2, l’A1, l’A13, l’A84, la Normandie est totalement connectée au Nord de l’Europe. Mais aussi à l’Est, au Sud, à l’Ouest. Pour ne parler que des autoroutes. Il y aussi les nationales et les départementales.

Et on a dit la transformation en profondeur que représentent la Seine et le canal Seine-Nord qui nous reliera en 2027 à tout le réseau de canaux des pays du Nord. Nous sommes ultra-connectés, dire le contraire relève pour le moins d’un manque de rigueur intellectuelle.

« Alors que Rouen a été durement touchée « psychologiquement » et en termes d’image par l’incendie de Lubrizol, nous devons engager le rebond de notre territoire, concrétiser rapidement ce projet est un élément essentiel de ce rebond » :

Durement touché “psychologiquement” par l’incendie de Lubrizol ! Je préfère vous renvoyer vers les propos de Patrick Berg, directeur de la Dreal, qui nous affirme “qu’Air Normandie signale la présence un peu élevée du niveau de particules à Rouen, mais personne ne peut rationnellement rapporter ces particules à l’incendie, c’est plutôt la circulation, qui comme on le sait, en l’absence d’un contournement, est à Rouen extrêmement importante en centre-ville.” Vous pouvez consulter ici toutes les prises de parole de l’audition du préfet à la Région sur l’incendie de Lubrizol.

Tout est donc prétexte à favoriser le BTP, le concessionnaire, mais aussi les constructeurs de ZAC ou de zones pavillonnaires – plutôt que les intérêts des habitants ou la défense de l’environnement, ou la lutte contre l’étalement urbain. Rien n’est prévu pour ça.

Mais dire que le projet de contournement Est de Rouen est un élément essentiel du rebond du territoire est un abus de langage. Il va coûter cher à la collectivité, aux usagers – mais s’il ne tient pas les promesses de ses promoteurs ?

Qui a été jugé responsable de l’inutilité de l’A88, de l’A28 dans sa version payante, de l’A150 ? Région et État ont financé à 20% cette autoroute A150, et devaient récupérer cet investissement au cas où les seuils (14.000 en 2015, 17.000 trois ans plus tard) seraient atteints. Ils ne le sont pas. Alors, les 49 millions, ils sont où ?

Toutes ces infrastructures jugées “utiles, indispensables et nécessaires” sont des échecs patents. Et pourtant, à chaque fois, les élus sont montés au créneau pour défendre tous ces projets, avec force argent public, et ils ont été déclarés d’utilité publique.

Ce n’est pas la psychologie des contribuables qui a été touchée, mais leur portefeuille et leur environnement. Tout ça pour quel résultat ?

Dans le même temps, qu’est-ce qui est fait pour réellement faire diminuer le trafic des poids-lourds sur les départementales – par exemple les interdictions aux plus de 12,5 T ? Rien. Sinon, c’est la grogne des transporteurs.

Quant à faire le pari du tout logistique, en concurrence avec l’activité locale, le commerce de proximité, mais aussi avec le fluvial et les plateformes multimodales qui se positionnent aux endroits clés – celles qui s’implanteront le long du canal – c’est un pari qui n’engage que leurs promoteurs. Mais il ne faut pas dire que cela ne drainera pas de camions, avec tout leur lot d’effets sur la pollution et la circulation. Puis quand on verra les flottes du géant américain remplacer les transporteurs locaux, il ne faudra pas, là encore, s’étonner de leur grogne à leur tour.

On se rappelle de leurs dernières grognes ? Lorsqu’on a voulu les obliger à emprunter l’A150 ? Certes moins intense que l’instauration des portiques pour la taxe poids lourds, ou l’augmentation de la taxe carbone, l’alignement du diesel sur l’essence, la réduction du remboursement partiel dont bénéficie le transport routier de marchandises sur le gasoil…

Mais du coup peu de camions sur l’A150, et il n’y aurait que peu de camions sur l’A133 – mais ce seraient des camions en plus en ville, pas en moins.

Les habitants doivent être tenus au courant.

Pour le député Adam, Il est urgent d’engager rapidement la procédure de désignation du futur concessionnaire !

Urgence, rapidité, vite, vite, vite ! Il faut faire vite parce que la contestation augmente au fur et à mesure que les Rouennais sont informés sur le projet, et le péage. Le péage était un non-dit. On contournait, chacun des gens se rendant au travail pensant que les autres usagers allaient prendre ce contournement et leur laisser la route pour qu’eux-mêmes puissent prendre le tunnel de la Grand Mare peinards.

Mais il faut être un saint pour payer plus et perdre plus de temps, pour laisser la route aux autres.

Alors quelle cause défend le député LREM Damien Adam ? Celle des habitants et de l’environnement ? Ou bien celle du concessionnaire, du BTP et des bâtisseurs ?

La réponse de la secrétaire d’état Brune Poirson :

  • Je sais que vous êtes très vigilant en matière d’application et de mise en œuvre de la loi LOM à laquelle vous avez abondamment participé.
  • Ce projet fait partie des priorités qui ont été identifiées dans le cadre de la programmation des infrastructures qui est portée par la LOM (loi d’orientation des mobilités).
  • Il s’agit d’un projet important pour le territoire, vous l’avez déjà souligné, et pas seulement aujourd’hui, mais depuis de longs mois.
  • Il va permettre de détourner les trafics de transit qui traversent à l’heure actuelle le cœur de Rouen, et donc d’améliorer la qualité des échanges, bref, toute une série d’avantages que vous avez amplement détaillée.
  • Le gouvernement a signé et publié en 2017 le décret déclarant d’utilité publique la construction de cette infrastructure. Les études ont été poursuivies, des engagements de l’État en faveur du cadre de vie des habitants et de l’environnement naturel ont ainsi été formalisés dans un dossier des engagements de l’État qui a été publié au mois de juin 2018. Des réservations foncières sont réalisées avec la SAFER (qui y œuvre depuis 2001, mais est toujours insuffisante 19 ans plus tard, NDLR), et l’organisation de la procédure d’aménagement foncier est initiée.
  • Suite à la promulgation de la LOM, le gouvernement déterminera en ce début d’année 2020 le calendrier opérationnel de sélection du partenaire privé qui sera en charge de réaliser cette infrastructure. Cette décision va s’inscrire dans le respect du calendrier préconisé par le scénario 2 du rapport du COI qui a prévalu à l’élaboration de la LOM, à savoir un engagement de la procédure de la concession avant fin 2022.
  • Le gouvernement s’attachera à prendre en compte l’importance de ce projet, je sais que vous allez beaucoup nous y aider, M. le député Adam, au regard des différentes procédures de mise en concurrence pour ce type d’infrastructures à conduire au cours des années qui viennent, suite à la promulgation de la loi. Je sais compter sur votre vigilance. Soyez assuré du soutien et de tout l’engagement de l’État.

La secrétaire d’État ne remet pas en cause la série de prétendus avantages présenté par le député de sa majorité, Damien Adam.

Et pourtant, le ministère de la transition écologique et solidaire devrait avoir bien des choses à dire. Aussi, il peut sembler de Brune Poirson ne connaît pas si bien le dossier.

Certes, ce n’est pas son dossier, elle ne fait que représenter le secrétaire d’État aux transports. Elle manifeste que le député est un ardent défenseur du dossier depuis de longs mois. Mais elle oublie de citer les recours en cours, et ne semble pas les avoir lus.

Elle rappelle l’engagement du gouvernement sur le calendrier début 2020, soit après les municipales. Alors, électeurs, à vos votes !

Et l’engagement de la procédure de sélection du concessionnaire avant fin 2022. Soit après les présidentielles. Encore une fois, électeurs, à vos votes ! En début de mandat, ils auront les mains libres pour faire ce qu’ils veulent.

Elle assure que le député sera assuré du soutien et de tout l’engagement de l’État, et sait que le député va les aider sur les procédures de mise en concurrence. Quelle transparence pour ces procédures de mise en concurrence ?

Enfin, si l’autoroute venait à se construire, et que les objectifs de l’autoroute n’étaient pas à la hauteur, comme on peut s’y attendre, qui assumera les risques, sinon les contribuables ?

Y a-t-il un élu capable de décider d’un tel investissement, et “en même temps”, d’assumer la responsabilité financière d’un échec, autrement que “devant les électeurs” la fois suivante ? Alors que même en cas d’échec, ils continuent leurs carrières. Les dindons de la farce, ce sont les électeurs, les contribuables, les usagers et les habitants.

Voulez-vous d’une autoroute à péage, Oui ou Non ? Payer des impôts pour un énorme chantier qui a considérablement plus d’inconvénients que d’avantages, qui ne résout en rien le problème de congestion routière, ne supprime pas les camions en ville – mais fait disparaître des terres, entraîne l’étalement urbain, est une offense à l’environnement et un risque pour l’accès à l’eau aux métropolitains ? Votez. Aux municipales avant le calendrier, puis à la présidentielle, avant la désignation du concessionnaire.

Et si c’est contre, nous vous invitons à rejoindre le collectif : collectif non à l’A133-A134

Vous pouvez aussi prendre contact avec les assos locales les plus proches de chez vous (“Non à l’autoroute” dans l’Eure, “première et deuxième avenue” à Saint-Etienne du Rouvray, “Effet de serre toi même” à Rouen, “Sauvegarde du Cadre de Vie de Belbeuf St Adrien et du Plateau Est“, sur le plateau Est), ou allez voir votre maire.

Informez-vous, partagez, agissez.