D’un Préfet l’autre
En septembre 2000, le Préfet Bruno Fontenaist rendait l’avis de l’État sur l’élaboration du Schéma Directeur de Rouen-Elbeuf.
En 2017, la Préfète Nicole Klein fait parvenir le dossier de demande d’utilité publique du contournement Est de Rouen à la ministre de l’Écologie, Ségolène Royal.
Je fais un pari parce que j’estime avoir suffisamment d’engagements financiers de la part des autres partenaires. [Le département de l’Eure a refusé de financer ce projet, NDR]
Nicole Klein, Préfète de la Seine-Maritime
En 2019, la Haut fonctionnaire devenue directrice de cabinet du ministre de l’écologie est forcée au départ suite à la révélation de son logement social à Paris qu’elle n’occupe plus depuis 12 ans.”C’est François de Rugy qui souhaite expressément que je parte”, a-t-elle expliqué.
Revenons sur le Schéma Directeur de Rouen-Elbeuf.
Le SDAU ( Schéma directeur d’aménagement et d’urbanisme) date de 1972.
En 1994, un syndicat intercommunal à vocation unique a été créé pour réviser ce SDAU.
Ce syndicat a arrêté un projet le 25 avril 2000 qui a été soumis à l’État. Outre la destination générale des sols, des infrastructures, le projet recense les ZACs à dominante industrielle (Sidero, Criquebeuf-sur-Seine, Mont-Jarret), à dominante tertiaire (quartiers ouest de Rouen, Coplanord), et mixte, comme le technopôle, et plus loin, de la ZAC vente Olivier à vocation logistique, industrielle et tertiaire du Madrillet.
Au travers de la réponse du Préfet, M. Bruno Fontenaist, c’est l’État qui répond au maire de Rouen, Yvon Robert, président du syndicat mixte.
C’est aussi une réponse d’un connaisseur du territoire…
Le Préfet relevait l’esprit de coopération intercommunale et la qualité de la présentation technique. Il relevait également l’affirmation des liens entre élus, services administratifs et chambres consulaires.
Il note que les orientations stratégiques ont été fondées sur une croissance démographique ambitieuse (0,5% par an), et une création nette de 1000 emplois par ans.
On sait ce qu’il en est des créations d’emplois, on accusera la crise économique. Ce qui est vrai en partie :
Pour ce qui est de la croissance démographique, les espoirs fous des politiques se sont traduits en une courbe plate depuis 2000 : 0,1% par an – au lieu de 0,5% par an soi-disant planifiés. Toutes les communes voulaient des habitants supplémentaires, pour les impôts, les écoles…
Cette “volonté” politique s’est traduite en aveuglement volontaire.
Toutefois, le Préfet avait insisté et particulièrement émis des réserves sur de nombreux points :
- Une forte mobilisation du foncier au regard des emplois annoncés. Une emprise supérieure à 1500 hectares, bien au-delà des besoins exprimés Il s’avèrera par la suite qu’il s’agit en majeure partie de déplacements d’emplois, et non de créations d’emplois ;
- Des ZACs périphériques qui se construisent au détriment des zones intégrées dans le tissu urbain. Il pense ainsi à Coplanor (plaine de la Ronce), à Isneauville, qui est en train de s’étendre aujourd’hui (de 20 à 100 hectares) ;
- L’impact environnemental de la rocade Est – pourtant bien plus limitée, plus proche de l’agglomération et gratuite, que l’actuel projet autoroutier A133-A134, dénommé contournement Est de Rouen. Des forêts arrachées, des continuités écologiques pour la faune, les milieux naturels et l’agriculture qui devraient être restaurées. La charte du paysage devrait être élargie à la protection et à la gestion des zones d’intérêt écologique ;
- La mise en place d’une trame verte et bleue. La carte de destination des sols aurait dû les localiser et assurer leur protection ;
- Un schéma directeur qui conditionne en grande partie l’avenir de l’activité agricole. Il faut éviter les conflits entre espaces verts récréatifs et de loisirs avec l’activité agricole. Le Sdau aurait dû insister plus largement sur l’impact sur les exploitations agricoles touchées par le projet.
- Les cartes du Sdau ont une portée juridique, mais ne prennent pas en compte les risques naturels prévisibles, n’identifient pas les risques liés au terrain (le karst, NdR), les risques technologiques et et ceux liés à l’eau.
Le Préfet de l’époque, pour un projet équivalent à celui qui est présenté aujourd’hui – mais avec une autoroute désormais à péage et très éloignée de l’agglomération -, émet des réserves qui sont les mêmes que celles des habitants. Pas des réserves, un refus.
Avec Nicole Klein, toutes ces réserves ont disparu.
En 2000, le Préfet relevait l’affirmation des liens entre élus, services administratifs et chambres consulaires. Il faut y ajouter celui de l’État, et des lobbies.
Aujourd’hui, Nicole Klein a disparu de la direction du cabinet du ministère de l’écologie. Pas de regrets.
Mais, comme elle le dit dans Ouest-France : “Je connais bien les problématiques de gestion de crises… Et puis il y aura d’autres opportunités qui vont s’ouvrir à moi, j’en suis certaine.”
Pourvu que ce ne soit pas dans le privé ou le BTP, pour user de ses réseaux… Bonne retraite. Loin des média, loin.